
APANEWS – L’ONG Caminando Fronteras alerte sur l’intensification des tragédies migratoires malgré une baisse des traversées
Un rapport de l’ONG Caminando Fronteras documente l’aggravation dramatique de la crise migratoire aux frontières euro-africaines en 2025. Alors que le nombre de tentatives de traversée vers l’Espagne a diminué, le risque de décès a, lui, considérablement augmenté, confirmant cette frontière comme l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde.
Le paradoxe 2025 : moins de traversées, plus de morts
Jusqu’au 15 décembre 2025, au moins 3 090 personnes ont perdu la vie dans 303 tragédies recensées. Cette tendance révèle, selon le rapport, que ces morts ne sont pas de simples « accidents » mais « le résultat prévisible d’un système qui continue d’antéposer le contrôle des frontières à la protection de la vie ». La cause principale identifiée est l’utilisation de protocoles de sauvetage conditionnés par les politiques migratoires, entraînant des retards ou des inactions face à des embarcations en détresse.
Les routes de la mort : un bilan par zone
La route algérienne (Méditerranée occidentale) : Devenue la principale voie vers l’Espagne, elle concentre 70% des naufrages, avec 1 037 victimes documentées. Les îles Baléares (Ibiza, Formentera) sont des destinations de plus en plus prisées pour ces traversées périlleuses. Cette route, longtemps ignorée, n’a été officiellement reconnue qu’en septembre 2025.
La route mauritanienne (Atlantique) : Elle reste la plus létale, avec 1 319 victimes recensées. Les départs, souvent par mauvais temps, ont diminué au second semestre, coïncidant avec un renforcement du contrôle migratoire en Mauritanie. Cette politique, financée par l’UE, a conduit à la déportation de 28 000 personnes au premier semestre 2025, selon Human Rights Watch.
Nouvelles routes et méthodes périlleuses :
Une route depuis la Guinée Conakry a émergé, impliquant une traversée de plus de 2 200 km.
La route gambienne a gagné en importance.
Dans le détroit de Gibraltar, les tentatives de traversée à la nage vers Ceuta par de jeunes migrants (« les nageurs ») ont causé 139 victimes, dont 24% d’enfants. Ces tentatives, organisées via les réseaux sociaux, reflètent un profond mécontentement de la jeunesse marocaine.
L’externalisation mortifère des frontières
Le rapport dénonce vigoureusement le système d’externalisation des contrôles migratoires de l’UE vers les pays africains, transformant ces derniers en « gardiens » de l’Europe.
Financements massifs : Le Maroc a reçu plus de 500 millions d’euros (2021-2027), la Mauritanie plus de 200 millions, et le Sénégal des dizaines de millions pour renforcer la surveillance.
Conséquences dramatiques : Ces financements s’accompagnent d’interceptions en mer, de détentions prolongées, de mauvais traitements, d’expulsions et de l’ouverture de centres de détention aux conditions inhumaines (comme ceux financés par l’Espagne en Mauritanie).
Complicité algérienne : Bien que ne recevant pas de flux financiers directs significatifs, l’Algérie mène des rafles et pratique des expulsions « en chaîne » vers le Niger, avec des abandons dans le désert.
Criminalisation des migrants et impunité
La répression s’étend sur tout le parcours : criminalisation des solidarités, détentions arbitraires (y compris de mineurs accusés d’être « capitaines »), séparations familiales et entraves systématiques pour les familles cherchant des disparus. Une enquête a même révélé que Frontex transmettait illégalement des données de migrants et d’activistes à Europol.
Des tragédies emblématiques et un appel à l’action
Le rapport cite des cas emblématiques, comme un cayuco parti de Nouakchott avec 203 personnes, toujours porté disparu, ou une embarcation dont seuls 13 survivants ont été retrouvés après 23 jours de dérive.
Caminando Fronteras conclut que « la non-activation précoce des dispositifs de sauvetage s’est normalisée ». L’ONG appelle à une refonte complète des protocoles, à des enquêtes indépendantes, à la transparence et à l’établissement de responsabilités pour mettre fin à l’impunité et à ce qu’elle qualifie de « nécrofrontières » – des espaces où la mort des migrants est dépolitisée et ne génère aucune réponse institutionnelle adéquate.









